Dans le cerveau d’un écrivain (4/6) : Le secret d’un récit immersif
Pourquoi suis-je captivé par ce roman, mais pas par l’autre ?
C’est une question que bien des lecteurs – et des auteurs – se posent. Certains récits nous captivent totalement : on s’y sent immergé, émotionnellement lié aux personnages, inquiet pour leur sort, bouleversé jusqu’aux larmes. D’autres, tout en restant plaisants, demeurent à distance. On les termine, on sourit… et on les oublie le lendemain.
Avant de poursuivre, prenez un instant. Demandez-vous : pourquoi cette différence ?
Est-ce l’originalité de l’intrigue ? La richesse de l’univers ? La force du protagoniste ?
Tous ces éléments comptent – mais, à mon sens, la vraie différence réside dans un principe d’écriture en apparence simple : montrer, plutôt que raconter.
Pourquoi « montrer plutôt que raconter » est essentiel
En théorie de la communication, on dit souvent que l’impact d’un message repose sur trois piliers :
- Langage corporel : 55 %
- Ton de la voix : 38 %
- Mots prononcés : 7 %
Maintenant, imaginez que vous écriviez un roman. Vous n’avez ni voix ni gestes à votre disposition – seulement les mots. Cela signifie que vous travaillez, techniquement, avec à peine 7 % de ce sur quoi les humains s’appuient pour comprendre et ressentir.
Alors comment rendre ces mots suffisamment puissants pour éveiller l’émotion ?
En suggérant, par l’écriture, le ton et le langage corporel.
En d’autres termes, en montrant au lieu de dire.
6 clés pour maîtriser l’art de « montrer sans raconter »
Voici six éléments fondamentaux à intégrer dans votre écriture pour appliquer ce principe et immerger vos lecteurs à un niveau plus profond :
1. Langage corporel et réactions physiques
Les personnages expriment leurs émotions par leur corps – comme les gens réels. Une main qui tremble, une mâchoire crispée, un pas hésitant en disent bien plus que « elle avait peur ». Ce procédé permet au lecteur de percevoir ce que ressent le personnage, sans avoir à le lui dire.
Raconter : Elle était nerveuse.
Montrer : Ses doigts tambourinaient sur la table, et son regard revenait sans cesse vers la porte.
2. Dialogue et sous-entendus
Ce que les personnages disent – et ce qu’ils ne disent pas – est une ressource précieuse. Le non-dit, l’ironie, les silences ou les tensions implicites permettent au lecteur d’interpréter. Cela rend le dialogue plus vivant, plus nuancé, et lui donne une profondeur émotionnelle.
Raconter : Il était en colère contre elle.
Montrer : « Fais ce que tu veux », dit-il sans la regarder, la voix plate, les jointures blanchies.
3. Détails sensoriels
La vue, l’ouïe, le toucher, le goût et l’odorat sont les portes de l’immersion. Décrire ce qu’un lieu évoque, plutôt que de l’étiqueter, crée une ambiance que le lecteur peut visualiser. Plus les sens sont sollicités, plus la scène prend chair.
Raconter : La pièce faisait peur.
Montrer : Des toiles d’araignées pendaient au plafond fissuré. Le parquet grinçait à chaque pas, et l’air sentait la pierre humide et la décomposition ancienne.
4. Monologue intérieur
Plutôt que d’expliquer ce que ressent un personnage, faites entendre ses pensées. Le monologue intérieur dévoile ses doutes, ses envies ou ses peurs de manière directe et intime. Cela rapproche le lecteur du personnage, et favorise l’identification.
Raconter : Il ne faisait pas confiance à l’étranger.
Montrer : Pourquoi souriait-il autant ? Personne ne sourit autant en disant la vérité.
5. Actions symboliques
Parfois, les actes parlent plus fort que les mots – surtout s’ils sont porteurs de sens. Petits rituels, gestes répétitifs ou habitudes chargées d’émotion traduisent l’état intérieur d’un personnage. Subtiles, ces actions laissent au lecteur le soin de décoder.
Raconter : Il lui manquait terriblement.
Montrer : Chaque matin, elle posait encore deux tasses de café.
6. L’environnement comme miroir émotionnel
Faites du décor un reflet de l’état intérieur. Un parc joyeux peut sembler morne à celui qui pleure, tandis qu’une pluie battante peut apparaître revigorante à quelqu’un en quête de renouveau. Le cadre devient alors un filtre émotionnel, chargé de symbolique.
Raconter : Il se sentait sans espoir.
Montrer : Les rues s’étiraient à l’infini, chaque bâtiment noyé dans le gris. Même le soleil semblait trop las pour se lever.
Une compétence pour tous les genres
« Montrer, pas raconter » n’est pas qu’une règle pour la fiction – c’est un principe de narration émotionnelle, valable aussi pour les mémoires et les essais.
Nous ne sommes pas uniquement des êtres pensants. Nous sommes aussi des êtres sensibles.
Et les livres qui marquent à jamais sont ceux qui parlent autant au cœur qu’à la raison.
Alors la prochaine fois que vous écrirez, demandez-vous :
Suis-je en train de dire au lecteur ce qu’il doit ressentir ? Ou suis-je en train de l’amener à le ressentir par lui-même ?
Car en montrant plutôt qu’en racontant,
vous ne partagez pas une histoire.
Vous invitez le lecteur à la vivre.
📚 Pour aller plus loin : les ouvrages de Tarik Bouchnayf
- The Other Realm: Lost In Ayred
- The Other Realm: The Crimson World
- The Unjust War (The Other Realm Book 3)
- Empire of Rebels
- The Queen And The Eighth Rebel (Empire of Rebels Book 2)
- Empire of Rebels: The Lord King And The Lady Queen
- 309 Years Later
- The Queen And The Eighth Rebel
- كل شيء بدأ ببث
Auteur et ingénieur spécialisé en données cloud et en intelligence artificielle
•Né le 25 octobre 1982 à Rislane, une petite localité située entre Berkane et Oujda, au Maroc.
•Titulaire d’une licence en science des données de l’université Johns Hopkins.
•Ancien professeur à l’université de Créteil à Paris, où il a allié expertise technique et passion créative.
•Actuellement ingénieur spécialisé en données cloud et en intelligence artificielle.
•L’écriture, longtemps un désir enfoui, s’est imposée à lui dès la vingtaine.
•Auteur de sept romans en anglais, dont trois sont devenus des best-sellers.
•Fait une entrée remarquée dans la littérature arabe avec un premier roman de fantasy, marquant un tournant dans sa carrière littéraire.
•Réside actuellement en Belgique avec sa femme et leurs trois enfants.
•Poursuit en parallèle ses projets professionnels et ses rêves d’auteur.