Écrire selon son cerveau : planifier ou improviser ?

Je m’appelle Tarik Bouchnayf, et je suis auteur de fiction. J’écris dans plusieurs genres, notamment la fantasy épique, la science-fiction et la dystopie. Avec huit romans publiés, j’ai entrepris un parcours littéraire qui continue d’évoluer au fil de chaque histoire que je raconte.

Dans cette série d’articles, je partagerai mes expériences personnelles et mes réflexions sur l’écriture de romans, en particulier dans l’univers de la fantasy, un genre qui m’est particulièrement cher.

J’ai volontairement choisi de ne pas présenter cette série comme un “cours” ou un “tutoriel”, car j’estime que l’écriture romanesque est avant tout un art. Et comme tout véritable art, elle ne peut être entièrement enseignée dans un cadre académique traditionnel. Cela ne signifie pas qu’il faille naître écrivain, mais plutôt que c’est un savoir-faire qui se développe par la pratique, l’observation et une forme d’introspection sincère.

Cela dit, j’ai beaucoup de respect pour celles et ceux qui considèrent l’écriture comme une discipline structurée et s’efforcent d’en transmettre les techniques. Leur démarche, diffuser l’amour et la connaissance de cet art, est admirable, et je la salue pleinement.

Dans l’article d’aujourd’hui, je vous propose de commencer par un thème fondateur : la découverte de votre propre style d’écriture.

Êtes-vous un auteur architecte ou un improvisateur?

Dans l’histoire de l’écriture romanesque, les auteurs ont souvent été classés en deux grandes catégories : les architectes (plotters) et les improvisateurs (pantsers).

Quelle est la différence ?

Avant d’entrer dans les détails, posons une chose essentielle : ce n’est pas un choix que l’on apprend, c’est une disposition naturelle. Si vous êtes spontanément un architecte, inutile de vous forcer à devenir un improvisateur, et inversement. Les deux approches peuvent mener à une carrière littéraire réussie. Aucune n’est supérieure à l’autre.

Et cela ne relève pas de la simple opinion personnelle ou d’une tendance populaire sans fondement : l’histoire littéraire l’atteste. Les deux styles ont donné naissance à des écrivains légendaires. Par exemple, J.K. Rowling est une architecte reconnue, tandis que Stephen King incarne l’improvisateur par excellence. Fin du débat.

Qu’est-ce qu’un architecte, exactement ?

Comme son nom l’indique, un architecte est un auteur qui planifie tout à l’avance. Lorsqu’il a une idée d’histoire, il ne se précipite pas sur son clavier. Il commence par une phase de réflexion, de structuration, d’organisation.
Cahier de brouillon, tableau blanc, fiches cartonnées, logiciel de scénarisation… tout est bon pour bâtir l’univers : les personnages sont définis, les mondes décrits, les règles établies, les scènes esquissées, les chapitres nommés. Toute l’ossature du récit est construite avant même que le premier paragraphe ne voie le jour.

En résumé, un architecte est généralement méthodique, structuré, et préfère avoir une feuille de route précise avant de se lancer dans l’écriture.

Et l’improvisateur, alors ?

Un improvisateur, littéralement quelqu’un qui « vole au gré du vent », ne planifie pas chaque détail à l’avance. Il peut partir d’une idée générale, d’un personnage ou d’une situation, et laisse l’histoire se dérouler au fil de l’écriture. Ce n’est pas qu’il refuse de planifier, mais son processus créatif fonctionne mieux dans l’exploration que dans la préparation.

De même qu’un improvisateur ne peut pas facilement se contraindre à établir un plan, un architecte aura du mal à écrire sans structure. Tout dépend de la manière dont fonctionne le cerveau de chacun.

Vous ne savez pas dans quelle catégorie vous vous situez ?

Voici un petit exercice pour vous aider à le découvrir :

1. Imaginez une nouvelle d’environ 1 000 mots (soit deux pages environ).
   (Petit conseil : si vous prenez l’écriture au sérieux, pensez en nombre de mots plutôt qu’en pages !)
2. Avant d’écrire, prenez une feuille et planifiez : personnages, décor, déroulement de l’histoire. Rédigez un plan succinct.
3. Ensuite, écrivez la nouvelle.
4. Comparez le résultat final à votre plan de départ :
   • Si vous avez suivi votre plan de près, vous êtes sans doute un architecte.
   • Si l’histoire a pris un tout autre chemin en cours de route, vous êtes probablement un improvisateur.

Encore une fois, être architecte n’est pas mieux qu’être improvisateur, et inversement. Ce qui compte, c’est de comprendre ce qui vous convient le mieux, de l’assumer et de construire votre méthode d’écriture en fonction.

Avant de conclure, j’aimerais partager l’une des expériences les plus étranges, et les plus magiques, que j’aie vécues en tant qu’auteur spontané.

Je me souviens parfaitement du jour où je me suis assis pour commencer l’écriture de The Other Realm, ma dernière trilogie de fantasy. Je n’avais en tête qu’une seule idée :

Un tueur en série voyageant dans le temps se rend à Fès pour assassiner Fatima al-Fihri, dans le but d’empêcher la fondation de l’Université Al Quaraouiyine. C’est au protagoniste de la sauver.

Mais… qui était ce protagoniste ?
Dans quel monde allait-il évoluer ?
À quoi ressemblerait-il ?
Je n’en savais absolument rien.

Le 25 juillet 2023, alors que j’étais en vacances en famille à Al Hoceïma, j’ai simplement ouvert mon ordinateur portable… et j’ai commencé à écrire.

Et là, tout a commencé à émerger, des personnages sont apparus, un univers s’est déployé, des créatures ont pris forme, des rebondissements inattendus se sont imposés, et même des morts que je n’avais pas prévues. Lorsque j’ai terminé le premier jet, j’avais du mal à croire ce que j’avais créé. C’était comme si l’histoire m’attendait depuis toujours. Il me suffisait d’être là, et d’écouter.

Avec le temps, j’ai compris que ces deux chemins, la planification et l’écriture intuitive, ne sont pas de simples styles littéraires. Ils sont le reflet de notre façon d’organiser le chaos de la création, de chercher du sens, et d’imposer une structure à l’inconnu. Chaque approche dévoile des schémas inconscients, des préférences enfouies, une sorte de boussole intérieure qui nous guide dans l’incertitude.

Trouver son rythme créatif, en réalité, est un exercice de conscience de soi. Il ne s’agit pas seulement de la manière dont on écrit, mais de la façon dont on vit, dont on prend des décisions, dont on fait confiance, ou non, à son intuition. Par l’écriture, on rencontre des fragments de soi qui, souvent, demeurent inaccessibles dans le tumulte du quotidien.

Et dans ce processus, quelque chose de profond se produit : on commence à percevoir la forme de sa propre histoire.
L’écriture cesse d’être un simple savoir-faire, elle devient un miroir.
Un miroir qui, page après page, révèle non seulement l’auteur que l’on est…
mais surtout, la personne que l’on est en train de devenir.

Et vous, quel est votre style ? Dites-le-moi en commentaire : êtes-vous plutôt architecte ou improvisateur ?
Restez connecté : dans le prochain article, je vous emmène explorer l’un des aspects les plus exaltants de l’écriture fantasy : la construction d’univers.

📚 Pour aller plus loin : les ouvrages de Tarik Bouchnayf:

• The Other Realm: Lost In Ayred
• The Other Realm: The Crimson World
• The Unjust War (The Other Realm Book 3)
• Empire of Rebels 
• The Queen And The Eighth Rebel (Empire of Rebels Book 2)
• Empire of Rebels: The Lord King And The Lady Queen
• 309 Years Later
• The Queen And The Eighth Rebel
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