Photons du cerveau : Une découverte qui intrigue
Notre cerveau ne cesse de nous étonner. Après avoir révélé ses ondes électriques et ses champs magnétiques, voilà qu’il dévoile un autre secret : il émet de la lumière. Des chercheurs ont en effet détecté des photons – ces minuscules particules lumineuses – s’échappant de la tête de volontaires plongés dans le noir. Invisible à l’œil nu, cette lueur ultra-faible intrigue les scientifiques, car elle semble varier selon l’activité mentale. S’agit-il d’un simple sous-produit de notre métabolisme ou d’un signal capable d’en dire long sur le fonctionnement de nos neurones ? Cette découverte ouvre un nouveau champ de recherche, et peut-être, à terme, une nouvelle manière d’observer le cerveau humain.
Une lumière insoupçonnée au cœur du vivant
On sait depuis longtemps que certains êtres vivants produisent de la lumière visible, comme les lucioles ou certains poissons des profondeurs. Mais la science a montré qu’en réalité, tous les organismes émettent une lumière, beaucoup plus discrète et invisible à l’œil nu. Les chercheurs parlent d’« émissions de photons ultrafaibles », ou UPE. Ces photons sont générés par les réactions chimiques qui fournissent de l’énergie à nos cellules. Quand une molécule passe d’un état excité à un état stable, elle libère un photon, comme un minuscule signal lumineux.
Cette émission est extrêmement faible, au point qu’il faut des instruments sophistiqués pour la détecter. Pourtant, elle accompagne en permanence la vie cellulaire. Plus une cellule dépense d’énergie, plus elle en libère. Et puisque le cerveau est de loin l’organe le plus gourmand en énergie – près de 20 % de notre consommation totale alors qu’il ne pèse que 2 % du corps –, il est considéré comme la principale « source de photons » de notre organisme.
Jusqu’à récemment, cette hypothèse restait théorique. On avait mesuré ces photons sur des cellules isolées en laboratoire, mais jamais directement à l’échelle du cerveau humain. Grâce à de nouveaux capteurs capables de détecter quelques particules lumineuses par seconde, les scientifiques ont désormais pu observer ce rayonnement ultra-faible en dehors du crâne. Autrement dit, nos neurones brillent, même si cette lumière échappe totalement à nos yeux. C’est précisément ce qu’a démontré l’équipe dirigée par la biophysicienne Nirosha Murugan, à l’Université Wilfrid-Laurier au Canada, en plaçant des volontaires dans une pièce totalement obscure et en enregistrant les photons qui s’échappaient de leur tête à l’aide de capteurs ultrasensibles.
Vingt participants ont pris part à cette expérience. Leur crâne était entouré d’un dispositif associant électroencéphalographie, pour mesurer l’activité électrique du cerveau, et capteurs photoniques, pour repérer la moindre trace lumineuse. Les détecteurs ciblaient notamment les lobes occipitaux, impliqués dans la vision, et les lobes temporaux, liés à l’audition. Les résultats ne laissent place à aucun doute : le cerveau humain émet bel et bien des photons, et ces émissions, bien que faibles, peuvent être distinguées du bruit de fond lumineux ambiant.
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Cette découverte posait immédiatement une nouvelle question : la lumière du cerveau varie-t-elle en fonction de son activité ? En comparant les données électriques et photoniques, les chercheurs ont constaté que les deux ne se superposaient pas parfaitement. L’intensité lumineuse ne suit pas directement les pics d’activité neuronale. Pourtant, un élément intrigue : lorsqu’un participant change de tâche, la lumière détectée fluctue, comme si le passage d’un état mental à un autre se traduisait par une modification subtile du rayonnement photonique.
Ce lien encore ténu nourrit un débat scientifique de longue date. Depuis près d’un siècle, certains chercheurs défendent l’idée que les biophotons pourraient contribuer à la communication cellulaire. Dès les années 1920, le biologiste russe Alexander Gurwitsch avait avancé que ces signaux lumineux influençaient la croissance des organismes vivants. Si ses expériences n’ont jamais été confirmées, elles ont ouvert une piste que la recherche moderne commence à explorer à nouveau.
Dans le cas du cerveau, deux positions s’affrontent. Les sceptiques rappellent que l’intensité de ces photons est si faible qu’il paraît improbable qu’ils jouent un rôle actif dans la pensée. Les plus optimistes, eux, considèrent qu’il ne faut pas écarter trop vite l’idée qu’un signal lumineux, même discret, puisse intervenir dans le fonctionnement de circuits aussi complexes que ceux des neurones. Dans tous les cas, leur détection pourrait devenir un outil précieux, au même titre que les ondes électriques ou les champs magnétiques utilisés aujourd’hui pour explorer l’activité cérébrale.
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Des photons qui voyagent dans nos tissus
Si l’existence de cette lumière cérébrale est désormais établie, une autre question surgit aussitôt : comment ces photons circulent-ils à travers les différentes couches qui composent notre tête ? Car avant de sortir du crâne et d’atteindre les capteurs, ils doivent traverser la peau, l’os, le liquide céphalorachidien et les tissus cérébraux eux-mêmes. Pour éclaircir ce point, une équipe de l’Université de Glasgow a mené une expérience originale. Les chercheurs ont appliqué un faisceau laser pulsé sur la tête d’un volontaire, soigneusement recouverte de tissu opaque pour éviter toute interférence extérieure, puis ont observé si la lumière pouvait être détectée de l’autre côté grâce à un photomultiplicateur. Les photons ont bel et bien franchi cette série d’obstacles biologiques, confirmant que la lumière peut voyager au travers des structures cérébrales, mais pas de manière rectiligne.
Les résultats montrent en effet que chaque couche détourne et dévie les photons à sa façon. La peau, les membranes cellulaires, les fluides et les os agissent comme autant de surfaces de réflexion et de réfraction, comparables à ce qui se passe dans une fibre optique. Selon la zone d’application du laser, les photons empruntent des trajets différents : ils peuvent contourner la partie supérieure du cerveau, passer sous les hémisphères, ou encore atteindre des régions profondes lorsqu’ils pénètrent par les tempes. Cette propriété ouvre une perspective inattendue : la trajectoire de la lumière pourrait devenir une source d’informations sur l’épaisseur ou la structure des tissus traversés.
Ces observations renforcent l’idée que la lumière cérébrale n’est pas seulement une curiosité biologique, mais aussi un signal mesurable et exploitable. En comprenant mieux comment elle se propage, les scientifiques pourraient développer des outils capables d’obtenir des indices sur l’organisation interne du cerveau, y compris dans des zones aujourd’hui difficilement accessibles par les techniques non invasives.
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La photoencéphalographie, une piste d’avenir
Ces découvertes ne restent pas de simples curiosités scientifiques : elles pourraient transformer notre manière d’observer le cerveau. Aujourd’hui, les chercheurs disposent déjà de plusieurs outils puissants. L’électroencéphalographie mesure l’activité électrique par des électrodes posées sur le cuir chevelu ; la magnétoencéphalographie enregistre les champs magnétiques générés par les neurones ; l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle cartographie le flux sanguin dans le cerveau pour repérer les zones actives ; et la spectroscopie proche infrarouge donne des informations sur l’oxygénation des tissus superficiels. Chacune de ces méthodes a ses forces, mais aussi ses limites, notamment en termes de coût, d’accessibilité ou de profondeur d’analyse.
La détection des photons cérébraux pourrait compléter cet arsenal. L’idée serait de développer une nouvelle technique, baptisée « photoencéphalographie », qui utiliserait la lumière émise naturellement par nos neurones comme un signal direct et totalement non invasif. Si elle venait à être perfectionnée, cette approche offrirait une alternative plus simple et potentiellement moins coûteuse que certaines technologies actuelles, tout en apportant des informations inédites sur la dynamique cérébrale. Même si la fonction biologique de ces photons reste encore incertaine, leur enregistrement pourrait devenir un indicateur fiable des changements d’activité neuronale.
Au-delà des promesses technologiques, l’enjeu est aussi philosophique. Apprendre que notre cerveau brille, même faiblement, change la manière dont nous le concevons. Ce rayonnement pourrait bien ne pas être une simple curiosité énergétique, mais une nouvelle clé pour explorer l’un des organes les plus mystérieux du corps humain.
Références
Casey, H., DiBerardino, I., Bonzanni, M., Rouleau, N., & Murugan, N. J. (2025). Exploring ultraweak photon emissions as optical markers of brain activity. iScience, 28(3), 112019.
Radford, J., Gradauskas, V., Mitchell, K. J., Nerenberg, S., Starshynov, I., & Faccio, D. (2025). Photon transport through the entire adult human head. Neurophotonics, 12(2), 025014.
