Alzheimer : Une étincelle magnétique pour les synapses
La maladie d’Alzheimer touche aujourd’hui des millions de personnes et reste sans traitement curatif. Les médicaments existants ciblent surtout les dépôts amyloïdes et les protéines tau, mais ils n’arrêtent pas le déclin cognitif. Or, les chercheurs savent que ce sont avant tout les synapses, ces minuscules points de contact entre neurones, qui disparaissent et entraînent la perte progressive de la mémoire. Restaurer la plasticité synaptique, c’est-à-dire la capacité du cerveau à remodeler ses connexions, apparaît donc comme une priorité.
Dans ce contexte, la stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS) attire de plus en plus l’attention. Déjà utilisée en psychiatrie et dans certaines maladies neurologiques, cette technique non invasive pourrait aussi redonner de la souplesse aux réseaux neuronaux touchés par Alzheimer. Une étude publiée en mai 2025 dans la revue Neurophotonics par Barbora Fulopova (Queensland Brain Institute, University of Queensland), William Bennett et Alison J. Canty (Wicking Dementia Research and Education Centre, University of Tasmania) en apporte la preuve chez l’animal.
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Observer le cerveau en action grâce à la stimulation
Pour évaluer l’effet de la stimulation, les chercheurs ont travaillé sur des souris génétiquement modifiées pour développer des dépôts amyloïdes similaires à ceux des patients. Ces animaux, déjà à un stade avancé de la maladie, ont été comparés à des souris saines. Grâce à un marquage fluorescent, il était possible d’observer en direct les synapses au microscope.
L’équipe s’est concentrée sur deux types de connexions : les « terminaux boutons », petits prolongements situés à l’extrémité des axones, et les « en passant boutons », qui apparaissent comme de simples renflements le long des fibres nerveuses. Après plusieurs jours d’observation, une séance unique de stimulation magnétique a été appliquée à l’aide d’une petite bobine posée sur le crâne. Cette bobine a envoyé de brèves impulsions capables de modifier l’activité neuronale. L’objectif était simple : voir si cette intervention pouvait relancer la capacité des synapses à se remodeler.
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Des synapses relancées par le magnétisme
Les résultats sont parlants. Avant stimulation, les souris malades présentent un nombre de synapses comparable à celui des témoins, mais elles se renouvellent beaucoup moins. Les connexions semblent figées, incapables de s’adapter, ce qui reflète le déficit de plasticité au cœur d’Alzheimer.
Après la stimulation, une différence apparaît. Les en passant boutons restent stables, mais les terminaux boutons montrent un regain de vitalité. Leur renouvellement, mesuré par la formation et la disparition de synapses entre deux jours d’observation, s’accélère nettement. Chez les souris malades, cette dynamique revient même au niveau observé chez les animaux sains. En d’autres termes, la stimulation redonne temporairement aux connexions une souplesse perdue.
Cela signifie que la rTMS n’augmente pas le nombre total de synapses, mais qu’elle ravive leur capacité d’adaptation. Cet effet sélectif, limité à certains types de connexions, suggère que la stimulation agit de manière ciblée sur des circuits clés du cortex.
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Un pas de plus vers une nouvelle approche
Ces résultats ne constituent pas une guérison, mais ils ouvrent une perspective. Une seule séance de stimulation suffit à restaurer, même brièvement, la plasticité synaptique dans un cerveau atteint. Des protocoles répétés pourraient prolonger cet effet et, à terme, se traduire par une amélioration de la mémoire. Les chercheurs restent prudents : l’étude a été réalisée sur un petit nombre d’animaux et dans une région précise du cerveau. L’effet reste temporaire et son impact sur les fonctions cognitives n’a pas été directement mesuré. Avant d’envisager des applications cliniques, il faudra confirmer ces résultats dans d’autres régions, comme l’hippocampe, et tester des séances répétées.
Malgré ces limites, l’avancée est importante. Elle montre que le cerveau conserve une capacité de réorganisation même face à Alzheimer, et que cette plasticité peut être relancée grâce à une technique simple, sûre et déjà connue. Pour la recherche, c’est une confirmation que les synapses sont une cible centrale. Pour la médecine, c’est une piste thérapeutique à explorer. Et pour la société, c’est un signal positif, l’espoir que la stimulation magnétique puisse, un jour, compléter l’arsenal contre la démence et améliorer la qualité de vie des patients.
Référence
Fulopova, B., Bennett, W., & Canty, A. J. (2025). Repetitive transcranial magnetic stimulation increases synaptic plasticity of cortical axons in the APP/PS1 amyloidosis mouse model. Neurophotonics, 12(S1), S14613.
